Près de 160 spécialistes de l’énergie se sont réunis jeudi et vendredi dernier à l’invitation de la Fondation The Ark et de CleantechAlps pour participer à la 14e édition de l’Event Smart Energy. La vaste et complexe question de l’indépendance énergétique a été placée au cœur des débats. Les solutions pour assurer cette indépendance sont variées, passant par la génération de gaz de synthèse, le regroupement de la gestion de l’ensemble de la force hydraulique valaisanne ou encore la démocratisation de l’autarcie des bâtiments. Les sites industriels ont également un rôle à jouer. Celui de Viège déploie un plan cohérent pour diminuer de 50% ses émissions de CO2 d’ici 2030, tandis que celui de Monthey mise sur un éventuel fonctionnement en ilot pour garantir sa production même en cas de pénurie d’énergie. L’autarcie des maisons individuelles et la généralisation de réseaux de chaleur sont aussi des pistes crédibles.
C’est le conseiller national Roger Nordmann qui a ouvert la conférence jeudi soir. Il a évoqué les moyens à mettre en œuvre pour assurer la sécurité d’approvisionnement de notre pays. Selon lui, pour réussir la transition énergétique à venir, il ne faut pas opposer frugalité et progrès technologique. « On pourra d’autant plus demander aux gens de faire un effort sur leur consommation si on a tout essayé au niveau technique ». Roger Nordmann mise surtout sur le méthane de synthèse – l’équivalent du gaz fossile dit naturel – pour compenser le manque d’électricité en hiver, notamment pour répondre aux besoins de l’industrie.
La soirée s’est poursuivie par les présentations « pitch » des trois lauréats du Start-up Pitch Contest organisé en 2023. Luis Mendoza, de Beyond Scroll (canton de Vaud), Pascal Kienast de Clemap (Zurich) et Sébastien Cajot de Urbio(Valais) ont détaillé leurs évolutions depuis l’an dernier. Celles-ci ont été nombreuses, à l’image du Watt d’Or remporté par Clemap, du dépôt de brevet de Beyond Scroll et du développement dans plusieurs pays pour Urbio.
Une stratégie et une loi cantonale en Valais
Vendredi matin, Joël Fournier, chef du service de l’énergie et des forces hydrauliques du canton du Valais a détaillé la stratégie cantonale valaisanne pour un approvisionnement renouvelable et indigène. Le Valais peut-il envisager d’être indépendant énergétiquement ? « Cela paraît faisable, malgré les trois sites industriels qui consomment beaucoup d’énergie et même si le défi est plus grand que la moyenne suisse ». Pour y parvenir, la nouvelle loi sur l’énergie souhaite limiter d’abord certaines dépenses d’énergie inutiles, comme les enseignes lumineuses extérieures et l’éclairage nocturne de certains bâtiments.
Ensuite, il s’agira de réduire la demande, grâce à la commande à distance de chauffage, notamment pour les résidences secondaires, mais également le remplacement des chauffages électriques. « Il faudra travailler sur les gros consommateurs, avec des conventions d’objectifs pour ceux qui n’en ont pas encore », précise Joël Fournier. L’offre d’électricité devra aussi augmenter en privilégiant les ressources renouvelables et indigènes. « Les intérêts contraires ne devront plus toujours gagner sur l’énergie ». Cette nouvelle loi ne pourra peut-être pas éviter une pénurie. « Les entreprises et les communes doivent se préparer à une telle situation, grâce à des plans de continuité et en limitant certaines activités ».
La vision de l’usine hydroélectrique Valais
De son côté, Séphane Maret, directeur de FMV, a détaillé le concept d’usine hydroélectrique Valais. L’idée est d’investir dans le développement de l’hydroélectricité et du solaire alpin, afin de réduire le problème structurel de la pénurie d’énergie en hiver. Mais également de faire dialoguer les aménagements hydroélectriques existants. « En travaillant ensemble, notamment après le retour des concessions, on pourra faire davantage pour la sécurité d’approvisionnement du pays ». Avec cette vision d’usine hydroélectrique Valais, il y a la possibilité de créer un optimum économique et stratégique. « Ainsi, nous pourrons construire le meilleur outil de gestion énergétique pour l’ensemble de la Suisse », conclut Stéphane Maret.
L’Event Smart Energy a ensuite accueilli Arnaud Latiers, fondateur de Karno Energy en Belgique. Ce dernier met en place des stratégies pour décarboner la région de Bruxelles. « La cartographie a été réalisée grâce à l’outil de la start-up valaisanne Urbio. Elle nous permet de savoir où sont les potentiels pour trouver de l’énergie au niveau local ». L’outil permet aussi de fixer les priorités en détectant les potentiels les plus intéressants. « L’enjeu maintenant pour les collectivités est de publier les résultats des études, en mode data hub, et les partager à un plus grand nombre pour améliorer la situation pour la décarbonation et l’indépendance énergétique », conclut Arnaud Latiers.
Innovations de rupture pour atteindre le net zero émission à Viège
Les sites chimiques de Viège et de Monthey figurent parmi les plus grands consommateurs valaisans. Des mesures pour diminuer la consommation et assurer l’indépendance sont prises en continu. Christian Bremer, directeur du site Arxada de Viège (spin-off de Lonza) a ainsi détaillé l’ensemble des mesures en cours et à venir pour diminuer de 50% les émissions de CO2 d’ici à 2030 et atteindre le net zéro en 2050. « Notre site récupère déjà beaucoup de chaleur et sans cette récupération, le site ne serait plus viable au niveau énergétique. Reste que les mesures « quick-wins » ont toutes été réalisées. Il faut maintenant creuser davantage pour atteindre nos objectifs ». Cela passe par des technologies de rupture, comme des batteries au sel, du craking électrique ou de la production de vapeur via de la géothermie.
Du côté de Monthey, l’entreprise Cimo veille à assurer l’indépendance énergétique du site, avec deux centrales hydroélectriques dédiées, mais également un imposant parc solaire planifié directement sur le site. De l’éolien est aussi à l’étude. « Pour nous, il est essentiel d’éviter les interruptions d’électricité, avec un fonctionnement 24 heures sur 24. On peut se séparer du réseau régional et travailler en ilot », précise Olivier Rouiller, chef du service électricité de Cimo. Du coup, il est important d’équilibrer la consommation avec la production. Pour cela, Cimo a pu compter sur un projet de la HES-SO Valais-Wallis. « En ilotage, il faut produire pour couvrir la consommation, mais également faire du stockage. Et tout ceci doit être pilotable avec efficacité » a rappelé le professeur Davide Pavanello.
Autarcie énergétique possible, mais…
La matinée s’est terminée par une présentation de Pierre-Olivier Moix, CTO de Studer Innotec. Ce dernier a détaillé les progrès et projets en matière d’autarcie énergétique à l’échelle d’une maison. Selon lui, l’autarcie est possible grâce à du solaire, des batteries et des onduleurs intelligents. « Il faut toutefois disposer d’un plan B pour l’hiver et gérer finement les flux d’énergies ». Le smart grid passe ainsi d’un concept à une nécessité afin d’assurer une indépendance énergétique à l’échelle d’une habitation.
L’édition 2024 de l’Event Smart Energy s’est conclue par un start-up pitch contest. Onze start-up de toute la Suisse étaient en lice et ont présenté leurs innovations en cinq minutes chrono. Trois d’entre elles ont été récompensées par le public et un jury de spécialistes.
Trois start-up récompensées lors du Pitch contest
Le prix du meilleur pitch, présenté par l’EPFL Valais/Wallis, a été attribué à la start-up valaisanne Evolium Technologies. Le prix de la meilleure innovation a récompensé le concept d’éolienne verticale de Windworks (canton de Vaud). Quant au prix du public, il a été décerné à la jeune pousse neuchâteloise Solarsplit, qui développe une application qui accompagne les utilisateurs dans l’installation et l’investissement participatif des panneaux solaires.
La prochaine édition de l’Event Smart Energy aura lieu les 28 et 29 août 2025. Réservez déjà la date!
Les photos de l’’évènement sont disponibles en suivant ce lien.
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