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08/11/2022

Pénurie énergétique : les énergies renouvelables comme solution ?

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Organisée pour la première fois sur deux jours, la douzième édition de l’Event Smart Energy a réuni plus de 120 spécialistes du domaine de l’énergie, qui ont assisté à de nombreuses conférences inspirantes. En particulier, l’intervention proposée par Philippe Jacquod, Professeur à la HES-SO Valais/Wallis et l’Université de Genève, a marqué les esprits. Une trentaine de minutes lui ont suffi pour proposer des pistes intéressantes face au risque de délestage qui guette pour l’hiver à venir. 

La présentation de Philippe Jacquod débute sur un constat surprenant : en moyenne un consommateur sur trois est frappé chaque année par une coupure d’électricité d’une vingtaine de minutes en Suisse. En comparaison européenne, la Suisse se situe en tête du classement en termes de fréquence et de durée de ces coupures ! Alors que le conseiller fédéral Guy Parmelin mentionnait en début d’année le risque de blackout énergétique pour cet hiver, que se passe-t-il réellement sur le marché de l’électricité ?

Dans un premier temps, il est primordial de distinguer les notions de blackout et de pénurie d’électricité. Le blackout se définit comme une panne de courant abrupte non planifiée de la distribution du courant électrique dans une région. Celle-ci concerne donc un grand nombre de clients. La pénurie d’électricité survient quant à elle lorsqu’il n’y a pas assez d’électricité pour couvrir la demande. « Le terme de délestage électrique est également important. Celui-ci consiste à arrêter volontairement et avec planification l’approvisionnement de consommateurs pour maintenir l’équilibre entre la production et la consommation du réseau », précise Philippe Jacquod.

 

Pas de blackout, mais un risque réel de délestage électrique

Un rapide tour d’horizon des derniers blackouts vécus en Suisse et à l’international démontre que les causes sont souvent liées à des bugs informatiques, aux mauvais équipements de certaines centrales ou à des éléments indépendants de l’activité humaine. Conclusion : le risque de blackout n’est actuellement pas plus élevé que l’année passée ou celle d’avant. Par contre, c’est le risque de délestage qui est sensiblement plus fort.

« Face à ce risque, il nous faut construire un système de production et consommation d’électricité qui soit sûr, fiable, renouvelable et abordable. Selon moi, un marché 100% libéralisé n’est pas du tout adapté à cette situation », détaille Philippe Jacquod. En Suisse, la production et consommation d’électricité est caractérisée par une forte saisonnalité. Alors que le pays est exportateur d’énergie sur le plan annuel, la Suisse dépend de ses voisins européens pour assumer sa consommation hivernale, avec une importation qui se situe entre quatre et cinq TWh. Pour assurer l’approvisionnement helvétique, il faut donc développer une stratégie pour disposer, en interne, de ces TWh supplémentaires.

 

Des propositions concrètes pour s’auto-suffire

Et c’est une solution en trois points que propose l’intervenant. Le premier axe concerne l’ensemble de la population, qui est appelée à réduire de 5% l’électricité actuellement consommée. Cette mesure permettra d’économiser 1.7 TWh. Le deuxième point veut supprimer les exportations hydroélectriques helvétiques, avec comme avantage de récupérer 1.8 TWh. Pour les 1.5 TWh restants, plusieurs pistes sont avancées. « Nous pourrions optimiser le mode de turbinage et faire basculer la production de 1.5 TWh de l’été à l’hiver. Cependant, cela nécessite un changement radical dans le fonctionnement actuel de nos barrages. » Une autre solution consiste à déployer fortement, sur les six prochaines années, le photovoltaïque.

Convaincu que la situation n’est pas nouvelle, mais qu’elle évolue dans la mauvaise direction, Philippe Jacquod conclut sa présentation en soulignant l’importance des économies d’énergie à courte échéance. « A moyenne échéance, les opportunités sont claires : développons les énergies renouvelables ! » Selon lui, les bénéfices d’un système électrique fiable, renouvelable et abordable dépassent de loin les gains financiers promis par les libéralisations et autres dérégulations. Ainsi, il est encore temps de corriger le tir et de disposer d’un système énergétique suisse basé essentiellement sur les énergies renouvelables.

Propos recueillis le 26 août 2022 lors de l’Event Smart Energy sur le Campus Energypolis